Nos chiens adolescents

Publié le 27 avril 2024 à 12:12

INtroduction

Aaaaah l’adolescence du chien. Cette période tumultueuse !
Si on parle régulièrement des difficultés que rencontre l’humain.e durant cette phase, on parle peu des challenges rencontré par le chien lui-même !
Souvenez-vous de votre propre adolescence. Il y a fort à parier que vous êtes heureu.x.se de l’avoir traverser, qu’elle soit derrière vous. 
Personnellement, pour tout l’or du monde je n’y retournerai pas !

Il est à mon sens intéressant de comprendre cette phase désagréable, certes, mais cruciale dans la construction de votre futur « chien adulte ».
Comprendre que cette phase… n’est qu’une phase.
Comprendre que ces changements ne sont pas des « choix » du chien tentant de vous tester, vous manipuler, ou encore vous dominer, mais bien quelque chose de « subit » pour lui aussi. S’il me semble essentielle de le mentionner ici, c’est que l’adolescence est une phase critique pour la relation humain-chien. C’est d’ailleurs durant cette période que de nombreux chiens sont abandonnés dans des refuges.
Changer vos lunettes, la façon dans vous percevez votre chien, permet aussi, à mon sens, de se protéger de l’utilisation d’outils coercitifs, et vous mènera, je l’espère, à tenter d’entourer votre chien au mieux pour qu’il traverse ce torrent, avec le moins de conséquences négatives possible. Comprendre pourquoi cette phase est une phase importante, où il sera essentiel d’accompagner au mieux votre chien dans ces changements, de l’accompagner dans ces dilemmes quotidiens, et d’avoir une approche préventive à l’apparition de stress aigue ou chronique. Stress pouvant, rapidement être synonyme de traumatisme, qui impactera le bien-être de notre chien parfois… sur le long therme.

L’adolescence.

Comme chez nous, la période de la puberté est synonyme de changement : Changements hormonaux, biologiques, cérébraux, physiques, etc. Le corps s’apprête à se reproduire. En fonction de la race, de la taille et du sexe, la puberté peut commencer au plus tôt à six mois, et se terminer au plus tard à deux ans. L’adolescence est cette période de transition, où l’individu va passer de « chiot » à « chien ». C’est une période de changements comportementaux et sociaux.

La réponse au stress (en très bref).

Suite à un stimulus qu’on perçoit comme menaçant- l’amygdale sonne l’alarme- l’activation d’une cascade hormonale (HPA axis) va se mettre en route. Cette cascade va, en bout de parcours engendrer des glucocorticoïdes qui vont augmenter notre rythme cardiaque, notre tension artérielle, et mettre en pause des fonctions tel que la digestion. Ainsi notre corps est prêt à se mobiliser pour faire face à cette menace.
L’amygdale c’est « allumé » et à crier : « UN ZOMBI ASSOIIIIIIFFE DE SANG ». Notre corps réagit donc en conséquence ! D’un point de vue évolutif il est plus malin de réagir trop vite… que pas assez ! N’en déplaise aux morts.

Cette cascade va « s’autoréguler » tel un « thermostat » : A-t-on mobilisé assez de cortisol pour faire face à cette menace ? S’il est nécessaire d’en produire plus, alors chose sera faite.
L’hippocampe, une autre région du cerveau, va, elle, s’intéresser au contexte : « Ou est-ce qu’on était ? Qui, ou quoi était présent ?... On n’y reprendra pas deux fois !! »

 S’il s’avère que l’amygdale s’est allumée pour « rien », c’est le cortex préfrontal qui sera rentré en action : « Heuuuu…. Poto, tu t’es un peu emballée là non ? C’est une brouette dans le jardin, rien de plus ! »

Le stress comprenons le bien, est une question de survie. C’est utile ! Le stress mal adaptif ou chronique…. Beaucoup moins. Mais nous y reviendrons une autre fois.

L’adolescence et ces changements.

Durant l’adolescence, c’est bien connu, les comportements « prise de risque » seront monnaie courante. Notre chien semble re-découvrir l’environnement et prend des risques : « L’exploration, l’exploration, l’exploration ». Certain.ne.s appelleront ça l’âge… « bête ». C’est une manière de le simplifier !
Mais s’il est intéressant à cet âge, synonyme de prise d’autonomie, de découvrir le monde seul, il est intéressant, encore une fois d’un point de vue de la survie, de se rappeler rapidement des dangers de cet environnement : « On peut être bête, mais ça ne doit pas nous coûter la vie ! ».

Ainsi pour compenser ces comportements, l’amygdale se met beaucoup plus rapidement en alerte : « un monstre sanguinaiiiiire », « Au feuuuuu », « fantôme dans le jardiiin ». Le préfrontal lui peut être dépassé par ces sollicitations incessantes.
Et cette cascade plus elle se met en route, plus elle est susceptible… de se REmettre en route.
Ainsi on peut comprendre que l’adolescence et l’apprentissage de la peur ( Fear learning) sont deux bons potes, collés l’un à l’autre. Tandis que l’extinction de la peur, ne plus avoir peur de quelque chose qui faisait peur au préalable, elle… fout le camp.

A cela on peut rajouter, telle la cerise sur le gâteau, que cet élément clef dans la récupération : le sommeil est, lui aussi, perturbé. Nos ados dorment moins bien, moins profondément.

En bref, plus nos chiens sont stressés, plus ils sont susceptibles d’être stressé, de développer des nouvelles peurs, qu’elles soient plus ancrées- et c’est une période où l’extinction de ces peurs seront plus compliqués…
Comme on dit en Belgique : Un bon melting pot ! La recette P-A-R-F-A-I-T-E pour que ce stress aigue se transforme en traumatisme, en stress chronique et/ou en l’anxiété. Ces derniers étant des facteurs de risque importants à la mise en route de cette même cascade de stress. Vous me voyez venir ? C’est le serpent qui se mord la queue en somme.


Que faire pour se prémunir ?

Investir la santé physique.

En laps de temps très cours, tout le corps de notre chien change. Ces changements peuvent se faire très rapidement- et les chiens durant cette période semblent souvent perdre en agilité- ils sont un « peu gauche », et à vrai dire… Cela semble logique. Des petits exercices de proprioception peuvent être des activités idéales à faire avec nos ado.
Durant cette période, comme tout au long de la vie de notre chien, n’oublions pas la santé ! Oui, la phase de l’adolescence est une phase de changement, mais ces changements peuvent cacher, eux, des problèmes de santé ! La première chose à faire sera de s’assurer que notre chien va bien ! « Oui, oui, on est allé chez le.la véto tout va bien ! » me direz-vous. Chose à laquelle je suis désolé de vous répondre que ce n’est pas souvent suffisant.
Je ne peux compter le nombre de chiens ado que j’ai vu- des chiens étiquetés « d’intolérant à la frustration »- qui présentaient, en fait des problèmes de santé.
Si notre ado présente des problèmes cutanés, des problèmes digestifs, des problèmes O.R.L, etc.  La prise en charge, elle, doit être prioritairement médicale ! Et malheureusement, parfois il s’agit d’insister auprès des équipes médicales pour investir, prendre en soins et/ou soulager notre chien.

Le sommeil.

Offrez du choix- des textures différentes, de lieux confinés dans lesquels il pourra se rendre selon ces envies (ou pas). La cage fermée sera, comme tout du long de sa vie à proscrire comme lieu de couchage à la maison.
Pour les chiens les plus sensibles (ou pas d'ailleurs), le fait de permettre à son chien de dormir avec vous peut-être d'une importance clef dans sa décompression pour ce dormeur social qu'être votre chien.

Entretenir sa relation.

Asher et ses collègues (2020) ont mis en évidence dans une étude que les comportements conflictuels entre l’humain.e et le chien pouvait être mis en rapport avec le lien d’attachement humain.e/chien.
Respirez, soufflez, prenez du temps pour vous. Rappelez-vous : C’est P-A-S-S-A-G-E-R ! L’utilisation de la force et de la peur est à proscrire, encore et toujours. Votre chien est à un moment clef de sa vie. Votre relation aussi.

Utiliser le renforcement positif.

Récompensez votre chien. Durant l'adolescence « l'erreur de prédiction » peut nous coûter cher. Quand le chien pense avoir telle récompense et qu'au final c'est une moins bien (ou même une absence) qui arrive... la dopamine (d'une importance clef dans l'apprentissage et la motivation) chute drastiquement ! Cette chute brutale, elle est propre à l'adolescence. Ce n'est donc pas le moment de diminuer la puissance du renforçateur. Au contraire !

Prioriser un chien bien dans ces pattes, plutôt que l'obéissance. 

L’obéissance est une activité comme l’est l’agility, le dogparkour, le canicross, et j’en passe. C’est super pour les chiens et les humain.e.s qui aiment ça, mais ce n’est pas adapté à tous les chiens, et ce n’est pas forcément adapté à tous les âges.
Fournissez à votre chien plus de choix dans différents domaines. Permettez à votre chien d’avoir de l’influence sur son environnement : de s’éloigner de cet élément qui lui fait peur. De laisser son préfrontal analyser la situation.
Donnez-lui du pouvoir d’agir sur sa vie ! Acceptez de perdre un peu de pouvoir sur SA vie, c’est lui permettre, un tant soit peu qu’il en ait sur la sienne. Ce n’est pas forcément facile dans une société qui pense que le contrôle est central. Mais c’est nécessaire dans un monde se focalisant sur le bien-être de toutes les parties : le vôtre, comme celui de votre chien.

Faites de l'arrangement d'environnement.

C'est bien gentil sur papier de dire de ne pas s'énerver, de garder son calme, de rappeler que c'est passager. Au quotidien, c'est autre chose ! Alors (re)-mettez les choses qui était en place au préalable. Ça vous frustre que votre chien ne revienne plus au rappel ? Vous avez tendance à vous énerver dans ces moments ? Remettez la longe. CE N'EST PAS UN ECHEC!

Le jeu.

Le jeu sera un allié puissant. Durant ces moments votre chien créera des petits agents- les BDNF- de vrai petits infirmiers cérébraux- qui viendront inspecter que tout est bien en ordre et agirons en fonction. Le jeu peut-être du jeu seul, avec des congénères et aussi... avec vous. Il ne s'agit pas ici de lancer la balle à son chien, mais de jeux calmes, façon chien, façon "play-way". 


Après un stress plus ou moins intense - tenter de ne pas réactiviter la cascade!

Des activités - oui! Mais calmes.

Les activités trop intenses- les activités sportives, activent cette cascade ! Si elles peuvent être superbes chouettes à pleins de moment, ce n'est pas le cas ici, dans ces conditions.  Privilégier les promenades tranquilles ou le chien sent beaucoup, privilégier les activités olfactives surtout pour les chiens plus stressés. Mettez des activités qui remplissent l'éthogramme de votre loulou: de la recherche alimentaire, du léchage, de la mastication.

Préservez-le tant que possible de l’excitation.

Les exercices auto-contrôles sont à éviter, particulièrement durant ces moments. Ne le faites pas monter à pression pour « travailler sa frustration »… Vous activeriez cette cascade !
Dans son cours « Trauma Informed » Daniel Shaw explique qu’il en sert à rien de faire des exercices de « tâche de différer la gratification » - des exercices de devoir « attendre » pour avoir accès à…- avec les chiots ou de façon général dans la prévention ou l’accompagnement de chiens avec des traumatismes.
Qu’on soit un.e humain-e ou chien ne peut pas apprendre à gérer cette cascade consciemment : tentez seulement, de gérer votre taux de glucocorticoïdes face à ce truc qui vous fait peur !
Ce qu’on peut travailler par contre avec son chien, c’est la communication entre l’amygdale et le cortex préfrontal (pour faire simple) : La résilience.  La compétence à redescendre d’un stress. Néanmoins, à mon sens (car il n’y a pas d’étude à ma connaissance sur le travail de la résilience et l’adolescence), cette communication se fait déjà bien assez pour le moment chez votre ado : Rappelez-vous le préfrontal est saturé ! Mettez de côté ce travail qui potentiellement ne sera même pas à faire à l’âge adulte… Encore une fois il s’agit ici de lâcher prise de l’humain.e.

Et enfin, et pour finir:

Si vous avez un chien sensible qui a peur par exemple des enfants ou encore des cyclistes... Gérer l'environnement ! Faites en sorte de prendre beaucoup de distance, ou tout simplement éviter ces triggers quelques temps... revenez à la Baseline de votre chien. Le risque d'ancrer cette peur, de le sensibiliser au d'autres stimulus est grand. Mettez de côté quelques mois le boulot de désensibilisation et de contre-conditionnement… Remettez-le à plus tard. Pour le moment évitez le problème est, sans doute, le plus malin. Avec une bonne gestion de l’environnement, un travail de fond : ça peut passer comme c’est venu ! (Évidemment toujours dépendant de VOTRE chien, du trigger et du contexte).

Si par contre ce "trigger" est inévitable ou non-identifié faites appel à un.e pro rapidement! Faites-vous accompagnez par quelqu'un.e de formée, par quelqu'un qui connaît les spécificités d'un chien adolescent ET sensible.


Sources

Asher, L.; England, G.C.W.; Sommerville, R.; Harvey N.D. (2020) Teenage dogs? Evidence for adolescent-phase conflict behaviour and an association between attachment to humans and pubertal timing in the domestic dog. Biology Letters. https://doi.org/10.1098/rsbl.2020.0097

BehaviorVet- Webinaire : "Fear Memory Generalization: When the Protective Mechanism Goes Wrong". Disponible sur :Home (mylearnworlds.com)

BehaviorVet- Webinaire : "Building Resilience for Adolescent Dogs". Disponible sur: Home (mylearnworlds.com)

Daniel Shaw, "Trauma Informed pet professionals". Disponible sur: ABK Learn (teachable.com)

 


Spaulding K, 2022. The stress factor in dogs. Unlocking resilience and Enancing Weel-Being. Dogwise.


Pour aller plus loin

Amy Cook "Play way": Home - Play Way Dogs

Christophe Page de "Ritournelles canines" le superbe article " Panksepp et les émotions". Disponible sur: Panksepp et les émotions - Ritournelles canines

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